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Escola Secundária José Saramago - Mafra

quinta-feira, 26 de abril de 2018

"REBUS" III


André Breton (1896-1966), Autorretrato (1929).




Le 10 avril 1934, en pleine «occultation» de Vénus par la lune (ce phénomène ne devait se produire qu'une fois dans l'année), je déjeunais dans un petir restaurant situé assez désagréablement près de l'entrée d'un cimetière. Il faut, pour s'y rendre, passer sans enthousiasme devant plusieurs étalages de fleurs. Ce jour-là le spectacle, au mur, d'une horloge vide de son cadran ne me paraissait pas non plus de très bon goût. Mais j'observais, n'ayant rien de mieux à faire, la vie charmante de ce lieu. Le soir le patron, «qui fait la cuisine», regagne son domicile à motocyclette. Des ouvriers semblent faire honneur à la nourriture. Le plongeur, vraiment très beau, d'aspect très intelligent, quitte quelquefois l'office pour discuter, le coude au comptoir, de choses apparemment sérieuses avec les clients. La servante est assez jolie: poétique plutôt. Le 10 avril au matin elle portait, sur un col blanc à pois espacés rouges fort en harmonie avec sa robe noire, une très fine chaîne retenant trois gouttes claires comme de pierre de lune, gouttes rondes sur lesquelles se détachait à la base un croissant de même substance, pareillement serti. J'appréciai, une fois de plus, infiniment, la coïncidence de ce bijou et de cette éclipse. Comme je cherchais à situer cette jeune femme, en la circonstance si bien inspirée, la voix du plongeur, soudain: «Ici, l'Ondine!» et la réponse exquise, enfantine, à peine soupirée, parfaite: «Ah! oui, on le fait ici, l'On dîne!» Est-il plus touchante scène? (...)

André Breton, L'Amour fou, Paris, Gallimard, 2013, pp. 20-21.




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